Pour Faire communs, Parcours d’art contemporain en vallée du Lot, Marie Preston s’associe à Line Gigot et Graziella Semerciyan, membres de l’atelier Pain Commun, déjà engagé en région parisienne. Ensemble, elles envisagent la résidence comme une réflexion sur ce que pourraient être les « territoires » engageant du commun. Dessiné ici à partir des pratiques paysannes et boulangères propres à la vallée et aux causses du Lot, leur travail imbriquera les dimensions anthropologiques, intimes et politiques qui construisent le faire ensemble.






Les pains de l'alleu, 18 juillet 2020
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Marie Preston, Line Gigot, Graziella Semerciyan, Alleu, Coton, 2020, 104 x 473 cm production MAGCP. Photo : Marie Preston
La définition de l’alleu comme terre franche et libre exempte de toute redevance seigneuriale est insuffisante pour comprendre ce qu’il nous en reste. L’alleu n’existe pas en tant que tel mais seulement parce qu’il est lié à un usage et des pratiques communes. Témoignage d’une rencontre avec L.T.A. Stevenel, l’alleu apparait ici sous des formes linguistiques, des patois d’époques et de localités plurielles. Sa dimension est bien politique mais quand nous l’oralisons, elle devient poésie, fluide de ses voyelles, balbutiante, rythmique. Marie Preston, Line Gigot et Graziella Semerciyan saisissent cette dimension collective, l’inscrivent en cousant de leurs mains chaque lettre comme pour accompagner ces mots d’un faire ensemble.
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Bannières Disséminées / Henry D. Thoreau , Marie Preston, Line Gigot, Graziella Semerciyan. FAIRE COMMUNS, MAGCP, 2020. Photo © Yohann Gozard.


« Nous sommes en transition et nous cherchons notre propre chemin dans la pratique paysanne. Un désir de faire du pain nous a contaminées dans un élan collectif. Pourquoi du pain ? Le pain est un “lieu” générateur de commun. Il est politique, vernaculaire et fabrique des mondes. »
L’enquête menée par les trois artistes les a conduites des blés paysans — réservoirs de biodiversité — aux récits des pratiques ancestrales de couvage, de circulation des levains, de fournées collectives, jusqu’aux terres libres des « alleux, allo... ». Les paroles collectées au gré des rencontres s’affichent maintenant dans le paysage et en partagent le vent et l’écho... En faisant émerger l’interrelation humain non-humain, elles rappellent la puissance que les biens communs apportent aux vivants et aux non-vivants.
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Adam Maurizio, Histoire de l’alimentation végétale, Ulmer, 1932, 2019, p. 509-510.
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Marie Preston, Line Gigot, Graziella Semerciyan,
Sacs à cheminer, Sérigraphie et linogravure, 2020
50 exemplaires, 50 x 81 cm, réalisé avec l’aide de l’atelier trace et de la Ferme des graines de clayrac, production magcp. Photo : Marie Preston

Les sacs de farine et à grains circulent entre les paysannes et paysans boulangers et les meuniers. Cet objet relient des activités, des personnes, des lieux et des céréales. Ce qu’ils contiennent varie au fur et à mesure de leur usure. Suite à des échanges avec Caroline Barras de la Ferme de Pechaud, les artistes ont réalisé cinquante sacs sérigraphiés et linogravés, où s’inscrivent des énoncés d’origine très diverses. Liste de blés paysans y côtoient un récit de pratiques de couvage des graines de tabac, des citations d’autrices travaillant les interdépendances entre humains et non-humains. Ces sacs invitent à une circulation que nos imaginaires viendront peupler. Ces sacs et leurs écrits vont être distribués dans un circuit existant, celui du meunier des « Graines de Clayrac » et des boulangers-boulangères qui travaillent avec eux.
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PAIN COMMUN, Boulanger : levains, rituels et pratiques, 1er février 2020, avec Christine Armengaud, Delphine Sicard et le Pain des Venelles, Ferme du Buisson © photo Émile Ouroumov.


PAIN COMMUN, Boulanger : levains, rituels et pratiques, 1er février 2020, Avec Christine Armengaud, Delphine Sicard et le Pain des Venelles. Ferme du Buisson © photo Émile Ouroumov.





PAIN COMMUN, Boulanger : levains, rituels et pratiques, 1er février 2020, avec Christine Armengaud, Delphine Sicard et le Pain des Venelles, Ferme du Buisson © photo Émile Ouroumov.

Fanzine de Boulanger : levains, rituels et pratiques, 1er février 2020, avec Christine Armengaud, Delphine Sicard et le Pain des Venelles, Ferme du Buisson
La conférence pétrissante est construite autour d’un atelier collectif de boulange. Interventions des invités, questions des participant·e·s, pétrissages, façonnages et cuissons se sont mêlés pour mener à la fabrication d’un pain Femme debout. Les paroles échangées se sont mélangées à l’air incorporé ensuite dans la pâte.
Christine Armengaud, ethnologue, présenta son expérience de collectage de récits et de pratiques autour de la boulange, travail qui a donné lieu à une exposition et un livre Diable sucré, Gâteaux, cannibalisme, mort et fécondité (2000). Delphine Sicard, chercheuse en écologie et génétique microbienne, présenta son projet de recherche ANR BAKERY. Ce projet initié en 2014 à l’INRAE, regroupant chercheur·e·s, boulanger·ère·s et paysans-boulanger·ère·s, vise à promouvoir la conservation de la biodiversité et la durabilité des systèmes alimentaires.
Le pain fut cuit sur place grâce au four mobile d’Arno et Céline du Pain des Venelles.
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Exposition Marie Preston - Du pain sur la planche, La Ferme du Buisson, 1 décembre 2019 - 1 mars 2020
Marie Preston, Maies (Line) # 1, 2019 / Maies (Carole) # 2, 2019 / Maies (Loyce) # 3, 2019 / Maies (Aranka) # 4, 2019 / Maies (Samia) # 5, 2019
Production Ferme du Buisson
Loyce Kragba, des noeuds, 2019
Production Ferme du Buisson
des cultures de blés et des enjeux qu’elles soulèvent (économiques, sociaux, culturels, politiques…). Au travers des outils et travaux présentés, les membres du PAIN COMMUN attirent notre attention sur les normes, l’uniformatisation et la sur-exploitation imposées par l’industrie agro-alimentaire et nous invitent à participer à cette recherche ouverte et collective autour du pain." Journal de l'exposition Du Pain sur le planche, La Ferme du Buisson
travail de la pâte, certaines règles ont été établies. Chacune des parties du pétrin est une sorte de prolongement du corps humain de son·sa utilisateur·rice : ici, leur longueur correspond à la taille de chacune des membres du groupe. Tout en s’inspirant d’une tradition
boulangère artisanale, les maies de Marie Preston s’adaptent, notamment à hauteur d’enfant à l’image du mobilier scolaire, pour que chacun·e puisse participer. Les Coudes, permettant de relier et agencer les pétrins entre eux, matérialisent l’individualité de chacune au sein du PAIN COMMUN. Mobiles et pouvant être combinés de différentes façons, ces pétrins nous offrent la possibilité, dans le cadre d’ateliers, de donner vie à des pains communs, où les discussions-pétrissantes de chacun·e·s nourriront et gonfleront les pains d’un souffle de vie collectif." Journal de l'exposition Du Pain sur le planche, La Ferme du Buisson


Journal Commun, 2019
Avec la participation de Samia Achoui, Carole Fritsch, Line Gigot, Martine Guitton et Marie Preston
Design graphique par Marion L’Helguen
Impressions Riso, dimensions variables
Production La Ferme du Buisson
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PAIN COMMUN, Four Commun (prototype #1), 2019. Avec la participation de Samia Achoui, Aranka et Jean-Claude Cadene, Carole Fritsch, Line Gigot, Martine Guitton, Loyce Kragba et Marie Preston, Argile et briques réfractaires artisanales, 90 x 90 x 80 cm. Exposition Marie Preston Du pain sur la planche, Ferme du buisson. Photo : Emile Ouroumov, 2019

Arsinée André, Des pieds, des mains, des ventres-fours, 2019. Avec la participation de Samia Achoui, Norhane Azam, Aranka et Jean-Claude Cadene, Marc Enjalbert, Carole Fritsch, Line Gigot, Martine Guitton, Loyce Kragba et Marie Preston. Vidéo couleur, sonore, 33 min
Production La Ferme du Buisson. Photo : Emile Ouroumov, 2019.
Exposition Marie Preston Du pain sur la planche, 1 décembre -1 mars 2020.
On retrouve dans le travail de la terre et de l’argile des gestes et étapes similaires à celles de la boulange artisanale. Notamment dans l’importance du toucher et la pratique de la matière. Chacun·e a une autonomie dans son travail et son tâtonnement mais au sein d’un espace-temps partagé qui nourrit les échanges et réflexions, individuelles ou collectives. Au sein du groupe, Marc Enjalbert formule
le lien entre idée et pratique et facilite une approche entre savoir-faire et expérimentation.
Le Four Commun (prototype #1), les cloches à cuire, les moules, les marques à pain et les photographies sont autant d’objets qui témoignent de ces rencontres entre l’humain et son environnement dans une dimension tant géologique, écologique que plastique. Ils continuent de réunir après leur création puisqu’ils vont permettre de cuire du pain et de le partager. Le Four Commun (prototype #1) sera notamment activé pendant l’exposition. Les marques à pain quant à elles permettent de singulariser un pain dans un processus
Ch. 3 : Radiotransmissions, le 21/09 de 18h30 à 22h en direct sur *DUUU radio ( Folie Observatoire N4 , Parc de la Villette, Paris). Une proposition de Jérôme Dupeyrat et Laurent Sfar avec Stéphane Daubilly (enseignant Freinet), Étienne Davodeau (auteur de bandes dessinées), Vincent Epplay (artiste et musicien), Richard Leroy (vigneron), Jean-Yves Mas (professeur de SES), le groupe PAIN COMMUN initié par Marie Preston (artiste et chercheuse) avec Line Gigot, Loyce Kragba, Martine Guitton, Aranka Cadene, Graziella Semerciyan et Samia Achoui, ainsi qu'Irène Pereira* (sociologue et philosophe de l'éducation)

L'un dit surfer sur le levain, l'autre travailler avec des blés de population, l'une dit que donner, chaque jour, le pain invendu est joli, l'autre nous rappelle le temps où le pain nourrissait, nourrissait vraiment. Leurs fournils sont éphémères, solidaires, conquérants, brichetons. Le pain y est de toutes céréales et chaque fois excellent. Mais comme la brique ne résulte pas seulement de l'argile placée dans un moule, le pain n'est pas qu'une pâte façonnée par le boulanger. Sa qualité est issue d'une chaîne de gestes qui s'étend de la terre où les grains pousseront au réseau de distribution des tourtes et des brioches.
Mais après ? Comment agir ces pensées-gestes de la boulange qui favorisent toutes les formes de bio-diversité, environnementale, culturelle, sociale, subjective, animale ? Comment le faire à Saint-Denis, la ville où les archéologues identifient des fours " à sape " moyenâgeux, une de ces villes de la Plaine des Vertus qui alimentait Paris de ces cultures maraîchères jusqu'au milieu du XX° siècle ?
En rassemblant des personnes volontaires, en prenant le temps que la pâte lève, en discutant de nos gestes, en boulangeant ensemble, en goûtant. Le Pain Commun se place du côté de l'art de l'enquête, tel que le définit l'anthropologue Tim Ingold pour qui " Le praticien cherche à laisser la connaissance croître à la faveur d'une observation et d'un engagement pratique auprès des êtres et des choses qui l'entourent. " " Laisse croître la connaissance " par les formes et rencontres auxquelles nous prenons part.
Le Pain Commun ne peut donc avoir lieu qu'à plusieurs, habitant·e·s apprenti·e·s boulanger·e·s du dimanche et, pour commencer, boulanger·e·s engagé·e·s quotidiennement dans sa fabrication. Cette expérience se construit de la singularité de chacun·e·s, de chaque culture, de chaque pratique, de chaque savoir-faire, nourrie par nos expériences et parcours de vie.
Le Pain Commun a été accompagné par Synesthésie MMAINTENANT en 2018


© Marie Preston
